Les termes "Web3" et "Web 3.0" n'ont pas toujours été des synonymes
Selon ses partisans, le Web3 représente la prochaine phase d'Internet et, peut-être, de l'organisation de la société. Le Web 1.0 est l'ère des protocoles décentralisés et ouverts, dans laquelle la plupart des activités en ligne consistaient à naviguer vers des pages Web statiques individuelles. Le Web 2.0, qui est la version actuelle du Web, représente l'ère de la centralisation, dans laquelle une grande partie de la communication et du commerce s'effectue sur des plateformes fermées appartenant à une poignée de grandes entreprises (Google, Facebook, Amazon, etc.) soumises au contrôle nominal de régulateurs gouvernementaux centralisés.
Le Web3 est censé libérer le monde de ce contrôle monopolistique. Au niveau le plus élémentaire, le Web3 fait référence à un écosystème en ligne décentralisé basé sur la blockchain. Les plateformes et les applications construites sur le Web3 ne seront pas détenues par un gardien central, mais par les utilisateurs, qui gagneront leur part de propriété en contribuant au développement et à la maintenance de ces services. « Le Web3 est une façon de gérer le traumatisme de la perte d'un grand avenir possible pour l'Internet », déclare Niels Ten Oever de l'université d'Amsterdam. Beaucoup sont convaincus des potentiels de ce Web3.
Cependant, Forrester a publié cette semaine deux rapports accablants sur le Web3 et fustige le battage médiatique autour du concept. Le premier rapport tente de faire la lumière sur les termes "Web3" et "Web 3.0". Alors que les deux termes sont synonymes aujourd'hui, Forrester estime que cela n'a pas toujours été le cas. Le cabinet explique que le terme "Web 3.0" a été utilisé pour la première fois au milieu des années 2000. À l'époque, il serait utilisé de manière interchangeable avec la vision du "Web sémantique" de Sir Tim Berners-Lee. Le terme serait ensuite réapparu en 2014, au moment où la blockchain Ethereum faisait ses débuts.
Gavin Wood, cofondateur d'Ethereum, suggérait à ce moment que la blockchain Ethereum devienne le fondement d'un Web décentralisé. Mais selon Forrester, le terme a disparu à nouveau jusqu'en 2021, lorsque la société de capital-risque Andreessen Horowitz a annoncé : « nous sommes maintenant au début de l'ère du Web3 et le Web3 est l'Internet appartenant aux constructeurs et aux utilisateurs, orchestré avec des jetons ». Les chercheurs de Forrester ont déclaré que beaucoup utilisent maintenant le terme "Web3" comme un fourre-tout pour tout ce qui est lié à la blockchain, aux métavers ou aux jetons non fongibles (NFT)".
Résultat, "presque du jour au lendemain, les projets de blockchain et les initiatives de NFT ont été magiquement rebaptisés projets Web3". Le deuxième document de Forrester, intitulé "Web3 Promises A Better Online Future But Contains The Seeds Of A Dystopian Nightmare" (Le Web3 promet un meilleur avenir en ligne, mais contient les graines d'un cauchemar dystopique) évalue si le Web3 peut tenir ses promesses. À ce propos, les chercheurs de Forrester ont rapporté qu'à ce jour, les signes indiquent que la transformation de la théorie en pratique s'avère difficile à certains égards essentiels.
Les principes fondamentaux du Web3 ne seraient pas réalisables
Les enthousiastes promettent un Web plus juste, non dominé par les grandes entreprises technologiques, et où les utilisateurs contrôlent leurs propres données. Mais les chercheurs estiment que l'on observe déjà l'émergence de structures de pouvoir très semblables aux structures de pouvoir inégales actuelles que les défenseurs du Web3 veulent remplacer. Selon ces derniers, la mise en pratique de la théorie du Web3 s'avère difficile pour deux raisons.
Premièrement, le Web3 d'aujourd'hui est dominé par les spéculateurs en cryptomonnaies et en actifs numériques comme les NFT, créant ainsi un environnement non réglementé dans lequel les actions des "escrocs et des fraudeurs" font dérailler les meilleures intentions. Deuxièmement, plusieurs principes fondamentaux défendus par les partisans du Web3 ne seraient pas pratiques aujourd'hui, et ne le seront peut-être jamais. Forrester identifie et démolit certains principes clés du Web3 :
La décentralisation : elle est impossible à mettre en pratique
Selon le rapport de Forrester, il n'y a pas une définition claire de ce que signifie réellement la "décentralisation". Deux aspects sont cependant clairs. Premièrement, une décentralisation complète (c'est-à-dire aucun point de contrôle unique, où que ce soit) n'est ni possible ni souhaitable, et deuxièmement, il y a beaucoup de "théâtre de la décentralisation". Par exemple, l'activité d'Ethereum s'arrêterait si des services contrôlés de manière centralisée comme Infura et Alchemy venaient à s'arrêter.
En outre, les places de marché NFT pourraient décider unilatéralement quand et comment intervenir ; et les points de contrôle dans les soi-disant contrats intelligents deviendraient rapidement évidents lorsque quelque chose ne va pas et que quelqu'un intervient pour arrêter le code.
Code et protocoles (ils doivent être ouverts et transparents)
Pour les chercheurs de Forrester, s'assurer que tout le code est disponible pour inspection semble très bien, mais très peu de personnes ont la capacité, le temps libre et le désir d'inspecter des rames de code complexe. De plus, le fait que tout le code soit exécuté sur des blockchains publiques augmente les risques et la surface d'attaque. Les rapports presque quotidiens sur les piratages et les exploits du Web3 montrent que la qualité du code ne s'améliore pas.
Il est également utile de rappeler que le code ouvert et transparent a toujours accompli des tâches essentielles sur Internet (pensez à Apache et Linux, etc.). Cependant, cela n'a pas empêché la formation de monopole ni les géants de la technologie d'aujourd'hui de gagner des milliards en concentrant le pouvoir.
Les applications et les réseaux ne sont pas contrôlés par l'utilisateur
Le rapport estime que ce principe appartient à la catégorie des "aspirations techno-utopiques". La plupart des gens ne s'intéresseront pas suffisamment aux changements de règles ou aux questions litigieuses pour se présenter et voter à leur sujet. Il y a aussi le risque que les intérêts particuliers l'emportent au détriment de l'écosystème dans son ensemble.
« Ce n'est pas un risque théorique ; nous l'avons vu se produire dans plusieurs projets de blockchain. Et nous savons, grâce aux communautés en ligne depuis des décennies, que la gouvernance communautaire est un défi dans le meilleur des cas ; l'ajout d'un élément financier augmente le potentiel de désastre », ont écrit les chercheurs.
Source : Forrester Research
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