
suite à la réaction des défenseurs de la liberté d'expression
Le Royaume-Uni semble avoir cédé face aux nombreuses contestations de l'industrie technologique et des défenseurs de la liberté d'expression. Le projet de loi sur la sécurité en ligne (Online Safety Bill) sera modifié et la mesure controversée qui donnait le pouvoir au gouvernement d'obliger les sociétés Internet à retirer de leurs plateformes les contenus "légaux, mais préjudiciables" sera supprimée. Le projet de loi devrait désormais être axé sur la protection des enfants et sur la nécessité de veiller à ce que les entreprises suppriment les contenus illégaux ou interdits dans leurs conditions d'utilisation.
Le Royaume-Uni, à l'instar de l'Union européenne (UE) et d'autres pays, s'efforce de protéger les utilisateurs de médias sociaux, et en particulier les enfants, contre les contenus préjudiciables sans porter atteinte à la liberté d'expression. Mais ce compromis s'est avéré très difficile à trouver pour les législateurs des deux blocs. Dans le cas du Royaume-Uni, l'on s'attendait à ce que cette mesure fasse partie du projet de loi tant attendu sur la sécurité en ligne et elle aurait représenté un changement radical par rapport aux règles mondiales existantes qui contrôlent certaines des plus grandes entreprises technologiques du monde, de Facebook à Google.
L'ancien ministre de l'Intérieur Priti Patel, parmi d'autres anciens ministres britanniques, avait fait pression en ce sens sous le mandat de l'ancien Premier ministre Boris Johnson. Mais après l'annonce de la proposition, des militants et des législateurs se sont inquiétés du fait que cette mesure pourrait restreindre la liberté d'expression. Par conséquent, si la nouvelle administration conservatrice dirigée par le nouveau Premier ministre Rishi Sunak a l'intention de poursuivre la législation, elle a supprimé la mesure la plus controversée avant que le projet de loi ne revienne devant la Chambre des communes le 5 décembre prochain.
La disposition légale, mais sujette à controverses sera remplacée par de nouvelles règles obligeant les entreprises à être plus transparentes sur les politiques internes de modération des contenus, des protections pour la liberté d'expression et des lois strictes sur la suppression des contenus illégaux. Dans un communiqué lundi, la secrétaire d'État au numérique, Michelle Donelan, a expliqué que le nouveau projet de loi était désormais "libéré de toute menace que les entreprises technologiques ou les futurs gouvernements puissent utiliser les lois comme une licence pour censurer des opinions légitimes". Elle pense que la loi protège davantage les mineurs.
Donelan a déclaré que, plutôt que d'édulcorer le projet de loi, elle avait renforcé la protection des enfants en obligeant les entreprises à faire respecter les limites d'âge qu'elles avaient déjà fixées. « Les entreprises ne peuvent pas simplement dire "oui, nous n'autorisons que les enfants de plus de 13 ans à rejoindre notre plateforme", puis elles autorisent des enfants de 10 ans et en font activement la promotion. Nous empêchons cela de se produire », a-t-elle noté. Elle a déclaré que les entreprises pourraient écoper d'amendes allant jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires si elles ne mettent pas en place des systèmes pour restreindre l'accès des mineurs.
Donelan a déclaré que cette disposition "préjudiciable, mais légale", à laquelle certains législateurs s'étaient opposés et qui avait retardé l'avancement de la législation, aurait eu des "conséquences involontaires" et porté atteinte à la liberté d'expression. La nouvelle version va plus loin dans la protection de la liberté d'expression en empêchant les entreprises, telles que Meta, propriétaire de Facebook, et Twitter, de supprimer des contenus ou de suspendre ou bannir des utilisateurs lorsqu'il n'y a pas de violation de leurs conditions de service ou de la loi. Selon le gouvernement britannique, le projet de loi répond désormais à toutes les préoccupations.
Selon les analystes, la nouvelle législation continuera de créer l'un des régimes de réglementation en ligne les plus stricts au monde, donnant des pouvoirs étendus au régulateur britannique des médias Ofcom pour enquêter et infliger des amendes aux sociétés Internet qui ne se conforment pas à la loi. Les entreprises technologiques et les défenseurs de la vie privée avaient mené une intense campagne de lobbying pour convaincre le gouvernement d'atténuer cette clause légale, mais néfaste. Les entreprises seront toujours tenues de contrôler les contenus préjudiciables aux enfants, y compris le harcèlement et les contenus pornographiques.
Elles seront également tenues de clarifier leurs processus de vérification de l'âge, de publier des évaluations des risques et de supprimer les contenus illicites, tels que les injures racistes. Les plateformes seront également obligées de signaler les abus sexuels d'enfants en ligne à la National Crime Agency. Le Royaume-Uni a ajouté de nouveaux délits, notamment l'interdiction des contenus encourageant l'automutilation ou le suicide, ainsi que les images non consensuelles telles que le "deepfake porn", où un logiciel de montage est utilisé pour créer et distribuer de fausses images ou vidéos sexualisées de personnes sans leur permission.
Ces changements interviennent alors que les plateformes de médias sociaux ont réduit considérablement leur personnel en raison du ralentissement de l'économie, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur capacité à modérer le contenu. Ce mois-ci, Twitter a licencié plus de la moitié de son personnel et Meta - la société mère de Facebook et Instagram - a supprimé 13 % de ses effectifs, tandis que Snapchat a supprimé 20 % de ses employés en septembre. Selon un nouveau rapport de l'UE, Twitter supprime désormais moins de discours haineux et prend beaucoup de temps pour les révisions.
Par ailleurs, malgré la suppression de cette mesure, le parti travailliste de l'opposition a déclaré que le remplacement de la "prévention des dommages" par un accent sur la liberté d'expression sapait l'objectif du projet de loi. « La suppression de l'expression "légal, mais nuisible" donne un passe-droit aux abuseurs et prend le public à contre-pied. Le gouvernement s'est plié à des intérêts particuliers, au lieu d'assurer la sécurité des utilisateurs et des consommateurs », a déclaré Lucy Powell, porte-parole du parti travailliste pour la culture.
Le gouvernement a toutefois déclaré que le projet de loi impose aux entreprises technologiques de retirer les contenus illégaux ou qui violent leurs propres conditions de service. « Si les utilisateurs sont susceptibles de rencontrer des contenus controversés tels que l'apologie des troubles de l'alimentation, le racisme, l'antisémitisme ou la misogynie n'atteignant pas le seuil pénal, la plateforme devra proposer des outils pour les éviter », a-t-il ajouté.
Selon Donelan, des types spécifiques de contenus préjudiciables pourraient également être mis hors la loi, obligeant les entreprises de médias sociaux à s'y attaquer sous peine de se voir infliger de lourdes amendes. « Nous sommes tous d'accord pour dire que certaines choses devraient être illégales, rendons-les illégales », a-t-elle déclaré, précisant que le gouvernement s'était déjà engagé à rendre illégales des choses comme la promotion de l'automutilation.
Source : Communiqué de presse du gouvernement britannique
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