La Commission européenne propose d'obliger les fournisseurs de services de courrier électronique, de chat et de messagerie à rechercher automatiquement des contenus suspects dans tous les chats, messages et courriels privés, de manière générale et sans distinction. L'objectif : lutter contre les abus sexuels des enfants en ligne. Le résultat : Une surveillance de masse par le biais d'une surveillance en temps réel entièrement automatisée des messageries et des chats et la fin de la confidentialité de la correspondance numérique. Un vote en plénière est prévu pour le mois d’octobre de l’année en cours.
De façon plus détaillée, les conséquences de l’entrée en vigueur de ce projet de loi sont :
- toutes les conversations en ligne et tous les courriels seront automatiquement fouillés pour détecter tout contenu suspect. Rien ne reste confidentiel ou secret. Il ne sera pas nécessaire d'obtenir une ordonnance du tribunal ou d'avoir un soupçon initial pour effectuer une recherche dans les messages ;
- si un algorithme classe le contenu d'un message comme suspect, les photos privées ou intimes pourront être consultées par le personnel et les sous-traitants de sociétés internationales et les autorités policières. Ces mêmes contenus pourront être consultés par des personnes inconnues ou se retrouver entre les mains d’individus mal intentionnés ;
- les conversations intimes pourront être lues par le personnel et les sous-traitants de sociétés internationales et les autorités policières, car les filtres de reconnaissance de texte qui ciblent la "sollicitation d'enfants" signalent souvent à tort les conversations intimes ;
- des tiers pourront être faussement signalés et faire l'objet d'enquêtes pour diffusion présumée de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants. Les algorithmes de contrôle des messages et des chats sont connus pour signaler des photos de vacances tout à fait légales d'enfants sur une plage, par exemple. Selon les autorités de la police fédérale suisse, 86 % de tous les signalements générés par des machines s'avèrent sans fondement ;
- lors d’un voyage à l'étranger, l’on peut se retrouver face à de gros problèmes. Les rapports générés par les machines sur les communications pourront être transmis à d'autres pays, comme les États-Unis, où la confidentialité des données demeure très mal encadrée, ce, avec des résultats incalculables ;
- ce serait la porte ouverte pour les services de renseignement et les pirates sur les conversations et courriels.
À mi-parcours de l’année 2021, le gouvernement australien a annoncé son intention de lever l’anonymat sur Internet en requérant des internautes de fournir une pièce d’identité (passeport, permis de conduire, etc.) pour l’accès à leurs comptes de réseaux sociaux. La nouvelle disposition s’inscrivait en droite ligne avec l’adoption d’une loi qui autorise les forces de l'ordre à prendre le contrôle de comptes de médias sociaux lorsque des tiers sont soupçonnés dans le cadre d'une enquête. C’est la plus osée de toutes celles en gestation dans l’alliance Five Eyes. Elle permet à la police de pirater les appareils de tiers et de collecter ou de supprimer leurs données.
La manœuvre est destinée à protéger les citoyens contre les abus en ligne (pédophilie, discours haineux, propagande terroriste, etc.). Elle n’est pas sans faire penser à une sortie d’Emmanuel Macron à propos de l’anonymat en ligne : « Nos gouvernements, nos populations ne vont pas pouvoir tolérer encore longtemps les torrents de haine que déversent en ligne des auteurs protégés par un anonymat devenu problématique. » Beaucoup s'accordent sur le fait qu'en rendant les utilisateurs responsables de leurs propos – en supprimant la possibilité de poster des messages dans l’anonymat –, il est moins probable qu’ils s'engagent dans des discussions ou publications inciviles. C’est la raison pour laquelle des élus français ont proposé que les réseaux sociaux et autres hébergeurs soient obligés à vérifier l’identité réelle des internautes lors de leur inscription.
Ces développements laissent penser que l’on s’achemine à l’échelle globale vers un Internet piloté sur le modèle chinois. Pour parvenir à une telle maîtrise de son cyberespace, la Chine s’appuie sur un levier de taille : le contrôle de l’anonymat en ligne. Il n’ y a qu’à jeter un œil à l’article 6 de la réglementation chinoise en la matière. À la réalité, la question revient de plus en plus en Europe ; le cas autrichien l’illustre puisque le pays a lui aussi annoncé son intention de mettre fin à l’anonymat en ligne. On anticipe à 2020 la période à laquelle il ne sera plus possible dans ce pays de rédiger un commentaire en ligne sans fournir son nom, prénom et adresse exacts. La raison, souligne le ministère en charge des médias dans ce pays, est très simple ; en cas d’enquête, les opérateurs de plateformes seraient tenus de fournir des informations aux agences gouvernementales ou, dans certains cas, aux personnes privées en cas d'insulte ou de diffamation. En France, le processus est lancé pour la mise en place d’une loi en vue d’en finir avec l’anonymat sur Internet.
Le train est en marche ; lentement certes, mais il semble que la destination finale soit, à l’échelle globale, un Internet régulé, modéré et censuré par les États.
Source : Wired
Et vous ?
Êtes-vous pour ou contre l'anonymat en ligne ? Ou préférez-vous une approche mixte qui permet l'anonymat dans certains cas et pas dans les autres ?
Êtes-vous pour ou contre le recueil de pièces d'identité à l'occasion de la création de comptes sur les réseaux sociaux ? Pourquoi ?
Partagez-vous l’avis selon lequel on se dirige à l’échelle globale vers un Internet piloté selon le modèle chinois ?
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