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Le moteur de recherche « souverain », mais dépendant à plus de 60 % de Bing, est au coeur d'un scandale d'État
Qwant, le moteur de recherche français axé sur le respect de la vie privée, a été présenté par le gouvernement comme l'un des piliers pour atteindre la « souveraineté » technologique, encore inexistante avec la domination des géants américains de la Silicon Valley. Il a bénéficié d'une subvention de plus de 20 millions d'euros de la Caisse des Dépôts pour lui permettre de concurrencer Google, et est aujourd'hui le moteur de recherche par défaut dans les administrations publiques. Une enquête publiée le 18 mai par Le Média révèle toutefois que Qwant ne mériterait pas la couverture médiatique qui le présente comme un modèle de success-story. Mais ce serait plutôt les relations de ses actionnaires et dirigeants avec des personnalités au plus haut de l'État qui lui ont permis d'avoir son statut actuel.
« Sur le papier, cela pourrait passer pour une success-story. Mais en réalité, Qwant ne marche pas, ou mal. Ses résultats sont tirés principalement du moteur de recherche Bing, de Microsoft ; ils sont souvent datés, peu fiables, peu pertinents, limités en nombre. C’est le constat tiré par la Direction interministérielle du numérique (DINUM) dans une note confidentielle datée du mois d'août 2019, que s’est procuré Le Média », explique le Marc Endeweld du site Le Média.
La note a été rédigée par des agents de la direction interministérielle du numérique (ex Dinsic), de l’ANSSI (l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), du ministère des Armées et de l’École normale supérieure. Tous ont été chargés de réaliser un audit d’une journée chez Qwant, en vue de son installation sur les ordinateurs de l’administration publique.
Suite à l'audit, la DINUM a évoqué plusieurs limitations dont souffre le moteur de recherche, à savoir : « une difficulté à passer à l’échelle, notamment en termes de nombre de pages web traitées ; une difficulté à gérer un rafraîchissement fréquent des pages web déjà visitées pour en capturer les modifications ; une impossibilité d’utiliser l’index en temps réel pour les recherches des utilisateurs ».
La note s’interroge ensuite sur « l’utilisation de Bing, [le moteur de recherche de Microsoft], en sous-traitance de Qwant ». Qwant s’appuie principalement sur la technologie Bing de Microsoft pour son propre moteur de recherche. La dépendance de Qwant à Bing et de manière générale la performance de l’index de Qwant dérangent la DINUM. Elle ne peut pas « exclure un scénario dans lequel l’essentiel des réponses viendrait in fine de Bing ».
Les incohérences découvertes par les auditeurs les laissent en effet penser à une probable « situation dans laquelle les résultats de recherche [de Qwant] soient composés quasi exclusivement de résultats Bing depuis plusieurs mois ». C'est une conclusion assez déconcertante pour un moteur de recherche qui se dit « souverain ». La DINUM conseille alors de conditionner l'utilisation de Qwant dans l’administration à une série de changements dans le cœur du moteur de recherche, c'est-à-dire migrer vers une version 2, qui corrigerait toutes ces lacunes.
Un second audit de la DINUM permet d'en dire plus sur la dépendance de Qwant à Bing. L'indicateur d’autonomie suivi montre que le taux de dépendance de Qwant à l’égard du moteur de recherche de Microsoft est encore très élevé. Ainsi, en juillet 2019, sept ans après sa création, le moteur de recherche annoncé comme « souverain » utilisait Bing dans plus de 75 % de cas. Fin septembre, ce taux de dépendance avait baissé à 65 %. Autrement dit, près des deux tiers des requêtes web auprès de Qwant étaient encore traitées par Bing de Microsoft.
Les auditeurs se montrent toutefois moins sévères à cause de l'évolution positive de l'indicateur d'autonomie. En plus, Qwant est « en cours de migration de son moteur d’une première version limitée techniquement vers une nouvelle version plus aboutie ». Ils recommandent alors « la signature de la note généralisant l’installation par défaut de Qwant au sein de l’administration à trois conditions : 1. une vérification dans les locaux de Qwant des affirmations de remise en place de l’indexeur et de la mesure de 60 % de dépendance à Bing, ainsi qu’une vérification de la méthode de calcul de cette dépendance ; 2. la transmission quotidienne à la DINSIC du taux de dépendance à Bing ; 3. l’acceptation d’une clause de revoyure lors de la mise en place de la version 2 du moteur aux environs de janvier 2020 », accompagnée par un nouvel audit ».
En mai 2020, au moment de l'audit, cette seconde version du moteur est encore « à l’état de prototype », comme le révèle Le Média. Entre-temps, en janvier, le secrétaire d’État Cédric O a annoncé la généralisation de Qwant sur les postes informatiques de l’administration publique, faisant ainsi fi des recommandations de l'audit.
Il est important de souligner que les auditeurs ont reconnu à Qwant sa capacité à préserver la vie privée des utilisateurs - contrairement à Google. Ils semblent toutefois ne pas être assez impressionnés. Ils rappellent en effet que « d'autres moteurs de recherche pourraient revendiquer la satisfaction du premier critère de respect de la vie privée ». Et eux ne bénéficient pas de fonds publics... Ajoute Le Média. Marc Endeweld explique cela dans son enquête par les relations des actionnaires et dirigeants de Qwant avec des personnalités au plus haut de l'Etat, y compris Macron. C’est ce que montre la vidéo suivante.
Source : Le Média
Et vous ?
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Voir aussi :
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