
Quel est le contenu du projet de loi SREN ?
La volonté du gouvernement français d'empêcher les enfants d'accéder à du contenu pornographique en ligne est bien documentée. Peu de gens contestent que les sites largement disponibles et librement accessibles ne conviennent pas aux mineurs, mais dans un monde où la responsabilité parentale est considérée comme démodée, pour ne pas dire inefficace, la France estime que la législation est le seul moyen de protéger les enfants du pays.
Parallèlement, le gouvernement est sur le point d'adopter une nouvelle loi visant à protéger les adultes des dangers de la fraude en ligne.

Quels sont les risques d’un blocage des sites web par le navigateur ?
Le blocage des sites web par le navigateur est une mesure technique qui consiste à empêcher l’accès à certains contenus en fonction de leur adresse URL. Contrairement au filtrage par les fournisseurs d’accès à internet (FAI), qui peut être contourné par l’utilisation d’un VPN ou d’un proxy, le blocage par le navigateur rend impossible la consultation des sites web interdits, sauf à changer de navigateur ou à modifier son fichier hosts.
Cette mesure présente plusieurs risques pour l’internet ouvert mondial :
- Elle remet en cause le principe de neutralité du net, qui garantit que tous les contenus sont traités de manière égale sur internet, sans discrimination ni interférence. En imposant aux navigateurs de bloquer certains sites web, le gouvernement français se donne le pouvoir de décider quels contenus sont légitimes ou non, sans passer par une autorité judiciaire indépendante ni respecter le droit à un recours effectif.
- Elle porte atteinte à la liberté d’expression et au droit à l’information des utilisateurs, qui se voient privés de l’accès à des sources diverses et potentiellement critiques. Le blocage des sites web par le navigateur pourrait avoir un effet dissuasif sur les éditeurs de contenus, qui pourraient s’autocensurer par peur de figurer sur la liste noire du gouvernement. Il pourrait aussi entraîner des erreurs ou des abus, comme le blocage de sites web légitimes par erreur ou pour des raisons politiques.
- Elle compromet la sécurité et la confidentialité des utilisateurs qui sont exposés à des risques accrus de piratage, de surveillance ou de censure. Le blocage des sites web par le navigateur implique que les navigateurs doivent communiquer avec le gouvernement pour recevoir la liste des sites web interdits, ce qui crée une faille potentielle dans la protection des données personnelles. Il implique aussi que les navigateurs doivent modifier leur fonctionnement normal, ce qui peut affecter leur performance, leur stabilité ou leur compatibilité avec les standards du web.
Pourquoi Mozilla s’oppose-t-il au projet de loi SREN ?
Mozilla estime que le projet de loi SREN, dans sa forme actuelle, porte atteinte à la liberté d’expression et au droit à l’information des internautes français. La fondation craint que le blocage des sites web au niveau du navigateur ne soit inefficace, disproportionné et dangereux pour la démocratie. Voici ses principaux arguments :
- Le blocage des sites web au niveau du navigateur est inefficace, car il peut être facilement contourné par les utilisateurs qui peuvent changer de navigateur, utiliser un VPN ou un proxy, ou encore accéder aux contenus grâce à des applications mobiles ou des messageries instantanées.
- Le blocage des sites web au niveau du navigateur est disproportionné, car il impose aux éditeurs de logiciels une responsabilité qui n’est pas la leur. En effet, les navigateurs web ne sont pas des hébergeurs ni des diffuseurs de contenus, mais des outils permettant aux utilisateurs d’accéder aux contenus qu’ils souhaitent. Les éditeurs de logiciels n’ont pas vocation à être des juges ni des censeurs du web.
- Le blocage des sites web au niveau du navigateur est dangereux pour la démocratie, car il ouvre la voie à une surveillance généralisée et à une censure arbitraire du web. En effet, le projet de loi SREN ne prévoit pas de garanties suffisantes quant au respect du contradictoire, du droit au recours ou de la transparence dans la définition et l’application des critères d’illicéité des contenus. De plus, le projet de loi SREN pourrait servir de modèle à d’autres pays qui voudraient imposer leur vision du web aux utilisateurs français ou étrangers.
[QUOTE=Mozilla]On pourrait penser que les pratiques actuelles du secteur de la protection contre les logiciels malveillants et le hameçonnage ne sont pas très différentes de la proposition française. C’est loin d’être le cas, car le principal facteur de différenciation est qu’elles ne bloquent pas les sites web, mais se contentent d’avertir les utilisateurs des risques et de leur permettre d’accéder aux sites web s’ils choisissent de l’accepter. Ce type de langage n’est pas présent dans la proposition actuelle, qui se concentre sur le blocage. Il n’y a pas non plus de référence à des implémentations préservant la vie privée ou à des mécanismes empêchant l’utilisation de cette fonction à d’autres fins. En fait, la possibilité pour un gouvernement d’exiger qu’un certain site web ne s’ouvre pas du tout sur un navigateur/système est un terrain inconnu et même les régimes les plus répressifs dans le monde préfèrent jusqu’à présent bloquer les sites web en amont du réseau (fournisseurs d’accès à Internet, etc.).
Un précédent mondial
Forcer les navigateurs à créer des fonctionnalités permettant de bloquer des sites web au niveau du navigateur est une pente glissante. Bien qu’elle ne soit envisagée aujourd’hui en France que pour les logiciels malveillants et l’hameçonnage,...
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