Les conditions d'utilisation de YouTube n'interdisent pas explicitement les bloqueurs de publicité. Pourtant, YouTube a toujours été hostile envers ces petits logiciels qui permettent aux utilisateurs de la plateforme de bloquer l'affichage de publicité sur les vidéos et donc de profiter d'une expérience plus fluide, sans avoir à souscrire un abonnement prémium. De plus en plus agacé par cela, YouTube a lancé cette année une nouvelle offensive visant à dissuader l'utilisation de ces extensions. YouTube a commencé à afficher une fenêtre contextuelle gênante pour les utilisateurs disposant d'un bloqueur de publicité, les informant que cela est interdit sur le site.
La fenêtre contextuelle exige des utilisateurs qu'ils désactivent leur bloqueur de publicité ou qu'ils s'abonnent à YouTube Premium. Sinon YouTube se réserve le droit de désactiver la lecture des vidéos. YouTube affirme avoir le droit d'agir de la sorte, en invoquant une violation de ses conditions d'utilisation : « lorsque vous bloquez les publicités sur YouTube, vous violez les conditions d'utilisation de YouTube. Si vous utilisez des bloqueurs de publicité, nous vous demanderons d'autoriser les publicités sur YouTube ou de vous inscrire à YouTube Premium. Si vous continuez à utiliser des bloqueurs de publicités, nous pourrons bloquer la lecture de vos vidéos ».
Cette fenêtre contextuelle est affichée grâce à un code JavaScript. Google modifierait ce script au moins deux fois par jour afin de détecter les efforts de blocage. La fenêtre contextuelle comporte le message suivant : « désactivez votre bloqueur de publicités ou abonnez-vous à YouTube Premium ». Elle propose un bouton pour "autoriser les publicités YouTube" dans le logiciel de blocage des publicités de la personne et continue en expliquant que les publicités rendent le service gratuit pour des milliards d'utilisateurs et que YouTube Premium offre une expérience sans publicité. L'avertissement a suscité toute sorte de réactions de la communauté.
Mais le mois dernier, Alexander Hanff, un défenseur de la vie privée, a contesté cette affirmation. Dans la foulée, Hanff a déposé une plainte auprès de la Commission irlandaise de protection des données pour dénoncer le déploiement par YouTube du script permettant de détecter l'utilisation de bloqueurs de publicité par les visiteurs du site. Les conditions d'utilisation de YouTube ne mentionnent pas les bloqueurs de publicités, mais précisent : « les utilisateurs ne doivent pas contourner, désactiver, utiliser frauduleusement ou interférer de quelque manière que ce soit avec toute partie du service ». Ce qui inclut probablement la diffusion de publicités.
D'après Hanff, Google, propriétaire de YouTube, n'a tout simplement pas l'autorisation légale pour exécuter un tel script dans le navigateur de l'utilisateur sans avoir au préalable obtenu son consentement explicite. Il estime que le script viole les lois de l'UE sur la protection de la vie privée, en particulier "la directive sur la vie privée et les communications électroniques". Cette directive exige le consentement explicite de l'utilisateur pour tout accès ou stockage de données sur leurs appareils qui n'est pas strictement nécessaire à la fourniture du service demandé. Hanff affirme que le script JavaScript déployé par YouTube n'est pas nécessaire à son service.
Par conséquent, le script ne devrait pas être autorisé à interférer avec les navigateurs des utilisateurs sans leur consentement. À l'heure actuelle, YouTube ne demande pas ce consentement. (Et l'on se demande par quelle alchimie Google pourrait obtenir ce consentement). Selon les analystes, il s'agit d'une question juridique obscure, et il sera donc intéressant de voir ce que l'autorité de régulation irlandaise dira en réponse à la plainte. Pour sa part, Hanff a indiqué que la Commission européenne lui avait déjà dit en 2016 que l'utilisation de tels scripts de blocage des publicités devrait être soumise à consentement. Google n'a pas commenté la plainte de Hanff.
Hanff a précisé qu'à l'époque, il avait rendu visite à la DPC irlandaise à Dublin et aux autorités européennes chargées des données dans d'autres pays pour discuter de la réponse de la Commission européenne. Maintenant que YouTube a mis en place un système de détection des extensions de blocage des publicités, Hanff a demandé à la DPC irlandaise de prendre des mesures. Il s'attend notamment à ce que "la DPC enquête et émette un avis d'exécution à l'intention de YouTube, lui demandant de cesser et de s'abstenir de ces activités sans avoir obtenu au préalable le consentement pour le déploiement de ses scripts-espions de détection de logiciels".
Hanff veut également que la DCP ordonne à YouTube de rétablir tous les comptes qui ont été interdits à la suite de ces détections et de supprimer toutes les données à caractère personnel traitées illégalement (voir l'article 5, paragraphe 1, du RGPD) depuis que "la plateforme a commencé à déployer un script-espion pour détecter les bloqueurs de publicité". La DCP irlandaise a confirmé avoir reçu la plainte de Hanff, mais a refusé de commenter une procédure en cours. Selon les analystes, il n'a pas vraiment de jurisprudence en la matière, et la décision du régulateur pourrait avoir un impact significatif sur d'autres sites Web employant les mêmes techniques.
Par le passé, BlockAdblock, qui développe un logiciel permettant de détecter les bloqueurs de publicité, a contesté l'affirmation selon laquelle la détection des outils de blocage de publicité sans le consentement explicite de l'utilisateur est illégale dans l'UE. L'argument du fabricant de logiciels est que le code JavaScript n'est pas stocké de la manière prévue à l'article 5, paragraphe 3, qui, selon l'entreprise, était destiné aux cookies. Hanff n'est pas d'accord et maintient que "la Commission a été claire sur le fait que tout accès à l'équipement qui n'est pas strictement nécessaire à la fourniture d'un service demandé nécessite le consentement de l'utilisateur".
Par ailleurs, concernant les déclarations de Google selon lesquelles les bloqueurs de publicité sont interdits sur YouTube, Hanff a fait valoir que "toutes les conditions qui restreignent les droits et libertés légaux d'un citoyen de l'UE sont nulles en vertu de la législation de l'UE". « En conséquence, en substance, toutes les clauses qui restreignent les droits des citoyens de l'UE à limiter l'accès à leur équipement terminal seraient nulles et inapplicables. Il est grand temps que les entreprises respectent leurs obligations légales en matière de services en ligne », a-t-il ajouté. En attendant, les utilisateurs contournent l'avertissement de différentes manières.
Par exemple, des internautes affirment qu'il suffit d'installer une extension permettant de changer l’identifiant du navigateur (user-agent). En le réglant sur Windows Phone, cela peut faire croire à YouTube qu’on utilise un smartphone sous cet ancien système d’exploitation. Ainsi, l'avertissement disparaît et on peut continuer à regarder des vidéos sans publicités. Les utilisateurs situés en Europe affirment que lorsque la fenêtre apparaît, il suffit de recharger la page et elle disparaît aussitôt, sans bloquer la lecture des vidéos. En outre, FreeTube est un client open source permettant de naviguer sur YouTube sans publicité et sans être suivi par Google.
Source : le défenseur de la vie privée Alexander Hanff
Et vous ?
Quel est votre avis sur le sujet ?
Que pensez-vous des allégations du défenseur de la vie privée Alexander Hanff ?
Selon vous, Google a-t-il le droit de déployer un tel script sur YouTube ? Pourquoi ?
Pourquoi YouTube n'interdit pas explicitement les bloqueurs de publicité ?
Pensez-vous que la détection des bloqueurs de publicité est illégale ? Pourquoi ?
Voir aussi
Un défenseur de la vie privée conteste les scripts de détection du blocage des publicités de YouTube en vertu de la législation de l'UE
FreeTube : un client open source permettant de naviguer sur YouTube sans publicité et sans être suivi par Google, il devient populaire alors que YouTube tente d'interdire les bloqueurs de publicité
YouTube commence à obliger certains utilisateurs à désactiver leurs bloqueurs de publicités avant de pouvoir accéder aux vidéos, la société se préparerait à sévir contre les bloqueurs de publicités