
TikTok a été interdit aux États-Unis en raison de préoccupations liées au transfert des données des Américains vers la Chine. C'est la position officielle de Washington. Mais un nouveau rapport indique que le plaidoyer du Congrès en faveur de l'interdiction de TikTok a été beaucoup plus motivé par Israël que par la Chine. La campagne contre TikTok aurait permis de réduire au silence les critiques à l'égard de la riposte d'Israël à l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023. TikTok était alors accusé de promouvoir les contenus anti-Israël, affaiblissant ainsi le soutien des jeunes Américains à l'État hébreu. Les moyens ont donc été mis en œuvre pour bannir l'application.
Les déboires de TikTok aux États-Unis ont commencé sous la première présidence de Donald Trump. Il voulait bannir TikTok en raison de préoccupations liées à la sécurité nationale, mais un juge fédéral a bloqué l'initiative en septembre 2020. TikTok a continué à fonctionner aux États-Unis jusqu'en 2024 où le Congrès a voté une loi pour l'interdire, officiellement pour les mêmes raisons. Mais selon un nouveau rapport, d'autres raisons sont à l'origine de l'interdiction.
Le rapport en question a été publié par le journaliste indépendant Ken Klippenstein qui couvre la sécurité nationale et la politique américaine. Il souligne d'emblée que l'appartenance de TikTok à un géant chinois de la technologie, ByteDance, n'a jamais été l'élément moteur qui a poussé le Congrès à agir.
TikTok interdit aux États-Unis pour n'avoir pas censuré le contenu anti-Israël ?
Tout a commencé avec l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. La riposte d'Israël ne s'est pas fait attendre. Mais quelques jours après l'entrée d'Israël dans la bande de Gaza, des voies ont commencé à s'élever pour dénoncer la riposte d'Israël. Les critiques ont déclaré que « la riposte d'Israël à l'attaque du Hamas est disproportionnée ». Ils ont utilisé les plateformes de médias sociaux, notamment TikTok, afin de dénoncer la riposte israélienne.
Puis, subitement, les inquiétudes à l'égard du contenu antisémite sur TikTok ont commencé à émerger, avec des appels à bannir l'application. « Tout s'est terminé par une réunion d'information confidentielle et une tentative insensée, toujours d'actualité, d'interdire la plateforme de médias sociaux », note le rapport. Selon les critiques de TikTok, l'algorithme de la plateforme alimentait l'opposition de la jeunesse américaine à la guerre entre Israël et le Hamas.
À titre d'exemple, l'année dernière, NPR (National Public Radio) a révélé l'existence d'une note rédigée par le directeur général adjoint du ministère israélien des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon, qui reprochait à l'algorithme de TikTok de « monter les jeunes contre Israël ».
Pour contrer la popularité des contenus propalestiniens en ligne, Israël aurait lancé une campagne d'influence sur les réseaux sociaux à l'aide de l'IA afin de s'attirer les bonnes grâces de l'opinion publique et des législateurs américains. L'opération, qui s'était appuyée sur des contenus générés par l'IA, visait à inciter les législateurs américains à soutenir la guerre d'Israël contre le Hamas et aurait été organisée et financée par le gouvernement israélien.
Environ 2 millions de dollars auraient été affectés à cette campagne d'influence, qui a utilisé des centaines de faux comptes usurpant l'identité de personnes inventées pour cibler les législateurs américains. Meta et OpenAI ont déclaré en mai 2024 avoir perturbé la campagne d'influence.
Lors de la récente conférence de Munich sur la sécurité, l'ancien membre du Congrès Mike Gallagher, aujourd'hui cadre chez Palantir, a expliqué que le projet de loi sur la sécurité nationale était mort jusqu'à l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, ce qui a permis de ramener la législation à la vie.
Comme l'affirme Mike Gallagher : « nous avions un consensus bipartisan. Nous avions le pouvoir exécutif, mais le projet de loi était toujours mort jusqu'au 7 octobre. Les gens ont commencé à voir un tas de contenus antisémites sur la plateforme et notre projet de loi a repris du poil de la bête ».
Mike Gallagher et d'autres sénateurs ont accusé TikTok d'utiliser son influence pour promouvoir des contenus propalestiniens et contraires aux intérêts de la politique étrangère des États-Unis. Les allégations concernant la promotion par TikTok de contenus propalestiniens semblent toutefois anecdotiques.
Israël et la Chine ont fusionné dans la campagne de Washington contre TikTok
En mars 2024, une note d'information classifiée a été fournie au Congrès sur la menace supposée de TikTok. Comme l'a dit Mike Warner, ce mémo a fait basculer la législation anti-TikTok, qui a été adoptée par une commission clé avec un vote de 50-0. « Et il l'a fait sortir d'une commission qui est la plus diversifiée de la Chambre, de gauche à droite, par 50 voix contre zéro, après un vote classifié », a déclaré Mike Warner sur la façon dont la loi a été adoptée.
TikTok était le réseau social le plus populaire auprès de jeunes Américains. Le sénateur Mitt Romney, partisan de l'interdiction de TikTok, a lié son soutien à la loi à la question palestinienne. Il a déclaré que la fréquence des messages propalestiniens sur TikTok est « écrasante » par rapport à d'autres plateformes.
À Munich, Mike Gallagher a également souligné ce qu'il a appelé « une énorme erreur de calcul » de la part de TikTok dans sa tentative d'éviter l'interdiction. TikTok a envoyé une notification à ses millions d'utilisateurs pour les inciter à appeler les membres du Congrès à s'opposer au projet de loi. Mike Gallagher a déclaré que cette initiative prouvait que « la plateforme de médias sociaux pratiquait un lavage de cerveau » sur la jeunesse américaine.

Malgré le vote, certains députés ont exprimé leur scepticisme quant aux informations contenues dans le mémo. « Il n'y a pas une seule chose que nous ayons entendue aujourd'hui au cours de cette réunion confidentielle qui soit propre à TikTok. Il s'agissait de choses qui se produisent sur toutes les plateformes de médias sociaux », avait déclaré la députée Sara Jacobs à l'époque. Les opposants à la loi affirment qu'elle est contraire à la liberté d'expression.
TikTok affirme que les allégations des critiques sur sa partialité sont infondées
TikTok a toujours nié les allégations selon lesquelles il a un parti pris anti-Israël. Mais ses détracteurs ont déclaré que l'antisémitisme serait un problème de longue date sur la plateforme. Bien avant l'attaque du Hamas, les dirigeants israéliens avaient averti TikTok qu'il diffusait de la propagande anti-israélienne. À la suite de l'attaque, certains critiques avaient accusé TikTok d'avoir supprimé leurs vidéos montrant la brutalité des « terroristes » du Hamas.
En novembre 2023, l'UE avait également demandé à TikTok et au géant des médias sociaux Meta de fournir des détails sur leurs efforts pour lutter contre les infox et les discours de haine liés à la guerre entre Israël et le Hamas. En outre, l'UE a interpelé les entreprises sur la gestion du conflit au Moyen-Orient.
À ce jour, les inquiétudes du Congrès américain sur la menace que représenterait la propriété chinoise de TikTok pour la sécurité nationale des États-Unis restent hypothétiques. Outre certaines pratiques controversées en matière de sécurité et de confidentialité, des preuves concrètes n'ont pas été apportées.
« C'est donc la menace de l'espionnage, la menace de la propagande, le bon travail du sénateur Warner et quelques autres acteurs qui ont conspiré », aurait déclaré l'ancien député Mike Gallagher lors de la conférence de Munich sur la sécurité. Ses déclarations ont suscité des interrogations sur les dessous de l'interdiction de TikTok. Pour certains, le Congrès américain a choisi d'agir essentiellement dans le but de censurer le discours et de protéger Israël.
Selon Ken Klippenstein, l'administration Biden a utilisé la Chine pour justifier l'interdiction. « Le mémo classifié (toujours secret) a fait le sale boulot. Ils ont un secret. C'est toujours le cas. Et cela ne laisse aucune possibilité au public de s'opposer, ce qui est la véritable conspiration », a conclu Ken Klippenstein.
Source : billet de blogue
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