
une mesure que les experts jugent « draconienne »
L'Italie somme Google d'empoisonner son service DNS public afin de bloquer les sites Web diffusant illégalement des contenus protégés par le droit d'auteur sur Internet. Cette exigence s'inscrit dans le cadre de la loi Piracy Shield adoptée en juillet 2023 pour lutter contre le piratage en ligne, en particulier la diffusion illégale d'événements sportifs en direct. En vertu de cette loi, les fournisseurs de VPN, les opérateurs de DNS, les hébergeurs et autres entités capables de bloquer des sites peuvent être contraints de participer à une guerre contre le piratage dont la fin n'est pas évidente. La loi Piracy Shield est toutefois qualifiée de draconienne par les experts.
Google sommé par l'Italie d'empoisonner son service de DNS public
Le bouclier antipiratage (Piracy Shield) a été officiellement mis en place en Italie en février 2023 et vise à lutter contre le piratage des retransmissions en direct d'événements sportifs. En vertu de cette loi, les titulaires de droits peuvent signaler les sites soupçonnés d'héberger du matériel piraté à l'Autorité italienne de l'audiovisuel (AGCOM), qui demande ensuite aux FAI de restreindre l'accès de leurs utilisateurs à ces domaines dans un délai de 30 minutes.
Nonobstant quelques problèmes initiaux liés à un blocage excessif, les autorités et de nombreux titulaires de droits considèrent l'opération comme un grand succès. La structure du Piracy Shield suggère que l'accent est mis sur le blocage dans un premier temps et sur la gestion des retombées ensuite.
Outre les FAI, les fournisseurs de DNS, les fournisseurs de VPN, les opérateurs de DNS, les hébergeurs et autres entités capables de bloquer des sites peuvent également être sommés de bloquer des domaines en vertu du Piracy Shield. Cloudflare et d'autres ont déjà été soumis à de telles exigences.
C'est au tour de Google d'être contraint de participer à cet effort controversé de blocage. Le tribunal de Milan a récemment ordonné à Google de commencer immédiatement à empoisonner ses serveurs DNS publics afin d'empêcher la diffusion illégale de contenus protégés par le droit d'auteur. Le tribunal a rendu cette décision en réponse à une plainte selon laquelle Google n'avait pas bloqué les sites Web de piratage après leur identification par l'AGCOM.
Le tribunal estime que les sites en question étaient impliqués dans la diffusion illégale en continu de matchs de football de la Serie A, qui est depuis des années l'objectif des militants de la lutte contre le piratage en Italie. Étant donné que Google offre un service DNS public, il est soumis à la loi Piracy Shield.
Le commissaire de l'AGCOM, Massimiliano Capitanio, a célébré la décision et l'existence du Piracy Shield. « Le juge a confirmé la valeur des enquêtes de l'AGCOM, donnant une fois de plus une légitimité à un système de protection des droits d'auteur unique au monde », a déclaré Massimiliano Capitanio.
Il s'est ensuite plaint du fait que Google a régulièrement ignoré la liste des sites pirates établie par l'AGCOM, qui est censée être bloquée en 30 minutes ou moins en vertu de la loi. Il a noté que la violation était si évidente que l'ordonnance a été émise sans donner à Google la possibilité de répondre.
Les préoccupations liées à l'application de la législation Piracy Shield
Cette décision fait suite à une affaire similaire à l'encontre de la société Cloudflare, spécialisée dans les dorsales Internet. En janvier, le tribunal de Milan a estimé que le CDN, le serveur DNS et le VPN WARP de Cloudflare facilitaient le piratage. Le tribunal a menacé Cloudflare d'amendes pouvant aller jusqu'à 10 000 euros par jour s'il ne commençait pas à bloquer les sites en question. Cloudflare se considère comme un intermédiaire neutre dans l'affaire.
Mais les titulaires de droits estiment qu'il devrait jouer un rôle plus actif en les aidant dans la lutte contre le piratage. Le même tribunal oblige désormais Google à empoisonner son DNS public pour empêcher l'accès aux sites pirates. La décision a été rendue le 11 mars sans que Google ait été entendu.
Google pourrait faire l'objet de sanctions similaires, mais l'AGCOM a eu du mal à convaincre les géants internationaux de la technologie de reconnaître leurs obligations légales dans le pays. Les critiques considèrent que l'approche de l'Italie avec le Piracy Shield n'est pas la bonne, car elle nuit aux internautes.
L'empoisonnement du cache DNS, également appelé usurpation DNS, est un type de cyberattaque dans lequel les utilisateurs qui tentent de consulter un site Web légitime sont redirigés vers un site complètement différent, généralement à des fins malveillantes. Le résultat est le même s'il est effectué sous autorité légale : un enregistrement DNS est modifié pour empêcher une personne tapant un nom de domaine d'être acheminée vers l'adresse IP correcte.
De nombreux critiques estiment que le Piracy Shield est une loi « draconienne », car le blocage de contenu par DNS est désordonné. Il bloque l'ensemble du domaine, ce qui a créé une certaine confusion lorsque les utilisateurs se servent de plateformes populaires pour distribuer des contenus piratés.
L'année dernière, les fournisseurs d'accès italiens ont brièvement bloqué l'ensemble du domaine Google Drive parce que quelqu'un, quelque part, l'utilisait pour partager du matériel protégé par des droits d'auteur. Ils ont apparemment confondu le service cloud de stockage avec un foyer d'activités illégales.
La décision du tribunal n'a pas été mise à disposition pour étayer la déclaration de Massimiliano Capitanio. L'on ignore si elle contient des informations supplémentaires, mais en l'état actuel des choses, le rapport suggère une défaite écrasante pour Google et des éloges pour le travail de l'AGCOM.
Les experts s'inquiètent des retombées de la législation Piracy Shield
Dans un message publié sur LinkedIn, Massimiliano Capitanio a rappelé que Google est soumis à la réglementation de l'UE concernant les services numériques. En conséquence, « l'entreprise est également tenue de se conformer aux demandes de mesures de blocage émises en urgence afin de contrecarrer des activités illicites menées par des destinataires de services, lorsque ces services contribuent de manière causale » à des violations de droits.
« Il est donc réitéré, comme déjà noté dans l'ordonnance de décembre [2024] contre Cloudflare, que lorsque l'AGCOM détermine que certains contenus violent le droit d'auteur, tout service qui contribue à la distribution de ce contenu doit se conformer aux décisions [de l'AGCOM] », ajoute Massimiliano Capitanio.
Selon certains experts, l'AGCOM fait vraiment bouger les choses en matière de piratage. Mais ils estiment que le problème vient en partie du fait que le Piracy Shield est rédigé de façon stupide. Les titulaires de droits peuvent déposer des plaintes avec d'énormes listes de domaines qu'ils souhaitent voir bloqués, et les FAI disposent alors de 30 minutes pour bloquer ces domaines. Des erreurs sont donc commises. Comme le blocage de l'ensemble de Google Drive.
Un critique a noté : « les FAI italiens parlent de la pression qu'ils subissent, tant sur le plan économique que sur le plan du travail, ne serait-ce que pour essayer de développer un système capable de répondre aux exigences de l'AGCOM. Au rythme où va Piracy Shield et à ce que disent les fournisseurs d'accès, il semble vraiment que les Italiens pourraient ne plus avoir accès aux fournisseurs d'accès à cause des exigences de la loi dans un avenir proche ».
L'année dernière, un tribunal français a ordonné à Google, Cloudflare et Cisco de modifier leurs résolveurs DNS pour bloquer environ 117 domaines qui piratent les retransmissions en direct des événements sportifs et les diffusent illégalement. Cette mesure fait partie des efforts de Canal+ pour lutter contre le piratage. En plus du blocage DNS, Canal+ a également obtenu la permission de déréférencer complètement ces sites des résultats des moteurs de recherche.
L’objectif est de protéger les droits de diffusion de Canal+. Les fournisseurs de DNS ont affirmé que leurs services ne sont pas couverts par la législation, mais le tribunal a rejeté cet argument. Google a déclaré qu’il se conformera à l’ordre, mais le blocage DNS peut être contourné facilement.
Source : Piracy Shield Search
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