Ronald Dion DeSantis (dit Ron DeSantis), 44 ans, n'a pas hésité à s'en prendre aux Big Tech par le passé, mais l'obscure interview, récemment révélée par ProPublica, est le premier cas connu où il a appelé à une rupture totale. Cette déclaration enflammée le place plus loin dans le camp des personnes anti-Big Tech que la quasi-totalité de ses collègues républicains et qu'un certain nombre de démocrates. Lors de la conversation avec l'entrepreneur conservateur Vivek Ramaswamy, qui a depuis lancé sa candidature à l'élection présidentielle de 2024, DeSantis a affirmé que les grandes entreprises technologiques étaient en train de ruiner les États-Unis.
« Je pense que des entreprises comme Google devraient être démantelées. Elles sont tout simplement trop grandes et ont trop de pouvoir. Je pense qu'elles exercent une influence plus négative sur notre société que les trusts qui ont été démantelés au début du XXe siècle. Je pense qu'elles ont une influence très négative. Je pense donc qu'il faut être ferme à ce sujet », a-t-il déclaré lors d'une retraite sur invitation pour le réseau conservateur Teneo Network. Le gouverneur a déjà pris position à de nombreuses reprises contre les Big Tech, notamment en accusant les plateformes en ligne telles que Meta et Twitter de faire taire les voix des conservateurs.
Ron DeSantis, gouverneur de Floride
S'appuyant sur des exemples très médiatisés, notamment la suspension de Donald Trump par Facebook et la décision de Twitter de bloquer brièvement un article sur l'ordinateur portable de Hunter Biden, les républicains affirment que les entreprises technologiques américaines ont systématiquement supprimé les points de vue conservateurs et se sont immiscées dans les élections d'une manière qui a favorisé les démocrates. Ils accusent les entreprises technologiques de soutenir et de défendre les valeurs de gauche. Une étude publiée en 2021 par des chercheurs de l'université de New York a conclu que ces affirmations étaient sans fondement.
En 2021, DeSantis a signé un projet de loi visant à interdire aux entreprises technologiques, en particulier les sociétés de médias sociaux, de bannir des utilisateurs ou de modérer des contenus sur la base d'opinions politiques. Cependant, la loi reste bloquée devant les tribunaux en raison de contestations du premier amendement. « Je pense que protéger les droits des gens à participer à des discours politiques est un rôle absolument approprié du gouvernement », a-t-il déclaré lors de l'événement qui a eu lieu en 2021. DeSantis a également proposé le mois dernier un projet de loi visant à interdire TikTok sur les appareils du gouvernement de l'État.
Selon Leonard Leo, président du groupe conservateur Teneo Network, le réseau Teneo vise à "écraser la domination libérale" dans de nombreux domaines de la société américaine. Leo est également un influent activiste juridique et dirigeant de longue date de la Federalist Society, un un groupe conservateur et libertarien qui préconise une interprétation textualiste et originaliste de la Constitution des États-Unis. En plus du gouverneur DeSantis, de nombreux législateurs libéraux et les experts politiques des États-Unis ont également appelé à une application plus stricte de la législation antitrust à l'égard des grandes entreprises technologiques.
Lors de la course à la présidence de 2020, la sénatrice Elizabeth Warren (D-Mass) a fait campagne sur un programme de démantèlement d'Amazon, de Facebook et de Google. En 2021, les démocrates du Congrès ont présenté des projets de loi visant à scinder les entreprises technologiques, mais ces projets n'ont jamais été adoptés. Matt Stoller, un expert des questions antitrust travaillant pour l'American Economic Liberties Project, a déclaré qu'il était difficile de dire si les commentaires privés de DeSantis traduisaient une véritable inquiétude au sujet de la concentration du pouvoir des entreprises ou simplement une colère contre les Big Tech.
« Il y a une guerre à droite à propos sur les questions antitrust. Je suis sceptique, mais ouvert à l'idée que DeSantis veuille faire quelque chose de sérieux au sujet du pouvoir économique », a déclaré Stoller. Par ailleurs, selon les observateurs, la rage de DeSantis à l'égard des entreprises technologiques n'est pas toujours répartie équitablement. Le gouverneur de Floride s'en prend régulièrement aux entreprises qu'il considère comme promouvant un "virus de l'esprit éveillé" (en parlant du wokisme), mais selon les observateurs, DeSantis fait en réalité tout ce qu'il peut pour soutenir les entreprises qui adoptent une position opposée.
Le sentiment de DeSantis à l'égard des Big Tech est néanmoins partagé par Jonathan Kanter, procureur général adjoint du ministère américain de la Justice (DOJ). Il a déclaré à deux reprises au début du mois que la corne d'abondance des pratiques commerciales douteuses des Big Tech ressemble beaucoup à l'industrie pétrolière à l'époque de la Standard Oil. Ces propos suggèrent qu'il pourrait durcir le ton face à des entreprises telles que Alphabet (Google), Apple et Meta à l'avenir. Principal responsable de la lutte antitrust du DOJ, Kanter dirige de nombreuses poursuites contre les Big Tech et milite également pour leur démantèlement.
Kanter a déjà déployé ses armes contre la toute-puissance de Google, qui détient un monopole indiscutable sur le marché de la recherche en ligne, mais aussi sur celui de la publicité numérique. Google est accusé de profiter des données recueillies par le biais de son moteur de recherche pour optimiser les performances de son activité publicitaire, consolidant sa position dominante sur ces marchés. Ainsi, l'une des actions intentées par le ministère américain de la Justice vise à séparer les activités de recherche de Google de ses activités de publicité numérique, dans ce qui pourrait être l'exemple le plus proche de l'histoire de Standard Oil.
En janvier, Kanter a annoncé une action en justice du DOJ contre Google, l'accusant de maintenir un monopole illégal sur le marché de la publicité en ligne. Il vise notamment à séparer certaines parties de l'activité publicitaire de Google du reste de l'entreprise. Une autre enquête antitrust en cours sur Google Maps suggère que l'agence pourrait être intéressée par une remise en cause de la domination du géant de Mountain View sur les services de cartographie numérique. Fin février, les avocats du DOJ ont accusé Google de destruction de preuves et ont demandé à un juge fédéral de prendre les mesures appropriées pour sanctionner la société.
Dans une tribune publiée en janvier dans le Wall Street Journal, le président américain Joe Biden a mis en garde contre le fait que certains acteurs du secteur de la technologie entravent la concurrence loyale, violent les droits à la vie privée des consommateurs et encouragent les discours extrémistes. Il a appelé les républicains et les démocrates du Congrès à travailler ensemble pour adopter une loi bipartisane forte afin de responsabiliser les Big Tech et les mettre au pas. Cet appel intervient quelques jours après que la Chambre, dominée par les républicains, a annoncé une enquête sur une collusion présumée entre la Maison-Blanche et les Big Tech.
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