L'année dernière, le format d'image le plus important pour enregistrer des photos a célébré ses 30 ans. JPEG a déjà plusieurs cousins qui résolvent ses problèmes, mais aucun n'a encore gagné en popularité. Seul JPEG a une prise en charge universelle dans les navigateurs Web, les logiciels d'édition, les téléphones portables et les appareils photo classiques.
Le successeur logique aurait dû être JPEG 2000, mais il n'a jamais vraiment gagné du terrain. Microsoft développait le prometteur JPEG XR, mais détenait des brevets dessus, et au moment où il a ouvert le format, il avait cessé d'être intéressant. Google a utilisé la puissance d'Android et de Chrome pour pousser WebP basé sur la compression vidéo VP8. WebP était des dizaines de pour cent plus efficace que JPEG, et il prenait en charge le canal alpha (transparence), la compression sans perte et les animations, de sorte qu'il pouvait également remplacer PNG et GIF.
WebP est sorti en version 1.0 en 2018.
Pour mémoire, l’optimisation des images sur le Web est réalisée dans le but d’économiser la bande passante et d’améliorer l’expérience de navigation en accélérant le chargement des pages. Ces images se présentent habituellement sous deux formats distincts : le format vectoriel ou le format matriciel.
Les formats vectoriels ont la particularité d’offrir des images nettes indépendamment du niveau de zoom ou de la résolution utilisée. Ces formats utilisent des lignes, des points et des polygones pour afficher une image. Ils sont habituellement recommandés pour reproduire des images composées de formes géométriques simples.
Les formats matriciels, quant à eux, sont privilégiés pour l’affichage de scènes complexes comportant beaucoup de formes irrégulières et de détails. Pour reproduire une image, les formats matriciels encodent les valeurs individuelles de chaque pixel dans une grille rectangulaire. Mais, les images obtenues dans ce cas ont la fâcheuse tendance de se déformer ou de devenir floues lorsqu’elles sont agrandies. De ce fait, il est parfois indispensable de sauvegarder plusieurs versions d’une image matricielle à différentes résolutions afin de garantir une expérience de navigation optimale.
GIF, PNG, JPEG, JPEG-XR et WebP sont des exemples de format matriciel, mais WebP offre en général de meilleurs taux de compression et davantage de fonctionnalités.
Aujourd'hui, WebP est pris en charge par tous les principaux navigateurs de bureau et mobiles. Par exemple, en janvier 2019, Mozilla a annoncé que Firefox 65 prenait désormais en charge WebP. Microsoft a fait la même annonce pour son navigateur Edge en octobre 2018. Google avait déjà annoncé en 2011 que son service de messagerie Gmail, son service de partage de photos Picasa et son navigateur Chrome utiliseraient désormais le format de compression d'image open source WebP.
Si WebP a été largement utilisé sur le Web, il n'est pas utilisé ailleurs. Par exemple, il ne convient pas pour stocker des photos de meilleure qualité, car il est toujours limité aux canaux de couleur 8 bits et ne prend pas en charge le HDR.
Le prometteur JPEG XL en a pris un coup
Comme pour ne rien arranger, JPEG XL a été créé au cours des quatre dernières années, un projet auquel participent les auteurs du JPEG original, mais Google également. C'est aussi un format libre capable de remplacer PNG et GIF, il promet une compression efficace, de haute qualité et, en plus, une conversion sans perte à partir de JPEG, ce qui permet d'économiser environ 20% de données sans perdre aucune information d'image. JPEG XL ressemblait enfin à quelque chose sur lequel l'industrie pouvait s'entendre.
Chrome, Edge et Firefox ont ajouté un support expérimental au printemps 2021 et tout était sur la bonne voie. Mais Google a surpris la toile l'année dernière lorsqu'il a abandonné JPEG XL et a indiqué qu'il ne serait plus inclus dans Chromium 110 et les versions ultérieures. Cette décision est susceptible d'avoir un effet domino sur les navigateurs basés sur Chromium.
Voici le raisonnement de Google à ce sujet :
Envoyé par Google
C'est une affirmation assez audacieuse, car JPEG XL est encore tout nouveau et n'avait même pas encore atteint sa version 1.0. En guise de comparaison, le WebP de Google n'a été déclaré stable qu'après huit ans de développement, jusque-là il s'agissait encore d'une expérimentation.
De son côté, Mozilla s'est déclaré « neutre » sur JPEG XL :
Envoyé par Mozilla
Apple ajoute le support du JPEG XL sur Safari
Apple prend désormais en charge JPEG XL dans son navigateur Safari. Les notes de version bêta de Safari 17 révèlent que la prise en charge de JPEG XL a été ajoutée, apportant avec elle divers avantages supposés par rapport aux autres technologies de compression et de décompression d'images.
L’annonce d’Apple a relancé les appels à ce que Google revoie sa position et réintègre le support du JPEG XL dans Chromium. « Maintenant qu’Apple va implémenter le JPEG XL dans Safari, je demande que cette décision soit inversée dès que possible », a écrit un internaute parmi plusieurs qui ont posté sur le fil de discussion du problème JPEG XL sur Chromium depuis l’annonce d’Apple.
Alors que Mozilla a réussi à déclarer sa neutralité à l'égard de JPEG XL, il existe de nombreuses preuves de l'intérêt de l'écosystème.
Jon Sneyers, chercheur principal en image chez Cloudinary et éditeur de la spécification JPEG XL, a repoussé l'affirmation de Google dans un essai Web en novembre dernier : « Si le soutien enthousiaste du bugtracker Chromium de Facebook, Adobe, Intel et VESA, Krita, The Guardian, libvips, Cloudinary et Shopify est une indication, il semble déconcertant de conclure qu'il y aurait un intérêt insuffisant pour l'écosystème », a-t-il écrit.
Greg Farough, responsable des campagnes pour la Free Software Foundation, a également contesté cette affirmation dans un article de blog le mois dernier :
« Les utilisateurs de Chrome sont sortis du bois pour implorer Google de ne pas prendre cette décision », a déclaré Farough. « Il l'a fait de toute façon, sans prendre la peine de répondre aux préoccupations des utilisateurs. Nous ne savons pas quelle métrique il utilise pour évaluer l'intérêt de "l'ensemble de l'écosystème", mais il semble que les utilisateurs aient donné à JPEG XL une forte démonstration de soutien. En retour, les utilisateurs ont reçu une autre facette du Web que Google contrôle lui-même*: le format AVIF.*»
L’AVIF est un format d’image soumis à des brevets. Il est contrôlé par The Alliance for Open Media (un consortium industriel dont Google est membre). Ce n’est pas le cas du JPEG XL. « Contrairement à certains autres formats modernes, le JPEG XL n’est pas grevé de brevets ni ne nécessite de logiciel propriétaire », explique le site web de documentation du codec.
Sources : Apple, Chromium, Mozilla, Jon Sneyers, Greg Farough
Et vous ?
Que pensez-vous de la décision de Google d’abandonner le JPEG XL ?
Comprenez-vous les explications de Mozilla lorsqu'il explique pourquoi il est « neutre » à ce sujet ?
Qu'est-ce qui pourrait expliquer la décision d'Apple de proposer un support à JPEG XL dans Safari ?
Quels sont les avantages et les inconvénients du JPEG XL par rapport aux autres formats d’image ?
Utilisez-vous ou envisagez-vous d’utiliser le JPEG XL pour vos propres images ?
Quel navigateur web utilisez-vous ?
Voir aussi :
La décision de Google d'abandonner le format JPEG-XL en faveur de son propre format AVIF souligne la nécessité d'un choix de navigateur et de formats libres, d'après la Free Software Foundation